COLÈRE SOURDE

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Le bruit oublié de la circulation, la police partout, les sans visages de sortie, plus aucune expression sur personne, des marcheurs perdus et tristes, un jour de libération qui ressemble à une journée de condamnation de plus.

Le ministre du fric s’affiche tout sourire et nous demande de l’entrain.

Nous n’entendons plus les oiseaux et il pleut.

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(Texte écrit le premier jour du déconfinement)  .

JOURNAL DE CONFINEMENT N°543

LIBÉRALISATION ANXIOGÈNE C19

Aujourd’hui est un petit jour. Le jour de permission de sortie, celui des commissions.

J’ai moi même signé mon autorisation.

Je n’ose toucher le charriot. Les microbes sont là , c’est sur : je vais être contaminé. Combien de mains s’y sont posées, combien de malades crachant leur fin de vie se sont soulagés ici ?

Le vigile sécuritaire tremble de peur. Il est devenu mon égal, mon frère. Il n’y a plus de pouvoir, plus de hiérarchie, nous sommes tous égaux. L’ordre a disparu au profit de la solidarité pour la survie derrière le mal inconnu. Nous rentrons au goutte à goutte. Plic ploc plic ploc. Sinistre ballet des automates zombies, le temple de la consommation ouvre ses portes à ceux qui ne sont plus ses fidèles mais ses prisonniers.

Du dentifrice, des pâtes, du savon. Les couleurs criardes sont devenus fades et les allées bondées : des déserts sans âme. Des saucisses, de la semoule, de la javel. Nous nous sommes illusionnés de notre propre magie. Coca Cola « ouvrez du bonheur ». Et ces haricots du bout du monde, qu’il y’a t ‘il dedans ? Avec quel pesticide ont ils poussé? À quel point est ce que ça a tué la terre et à quel point cela me tuera t’il ? Ont ils fait le tour de la Terre avant d’être dans cette conserve ? Vont ils me renforcer de leurs vitamines ou me condamner en tuant mes défenses immunitaires ? Du fromage, des fruits, des biscuits pour les enfants, de la sauce tomate, de la lessive. Comment ça il n’y a plus de désinfectant ?

Sortir le plus vite possible. Ne rien oublier pour surtout ne jamais revenir. Ne prendre que le stricte nécessaire. Tout pue la mort ici. Agir en vitesse avec des gestes surs et efficaces. Je suis au cœur du réacteur libéral et je me dois à la plus grande prudence…

La caissière au visage masqué et aux gants plastiques est devenue héroïne de courage. Elle, si longtemps ignorée, distille des sourires aux pénitents que nous sommes. La bouteille de lait fuit. Je perds ma concentration une seconde et je me touche le visage. Nos regards se croisent. J’ai fait une erreur, nous le savons tous les deux. Je suis peut être contaminé.

Voilà, je suis dans mon véhicule aux particules fines. Je me désinfecte les mains avec le peu de gel hydro-alcoolique qu’il me reste. Je retourne dans mon cube. Les rues sont désertes. J’enlève mes chaussures. Je pose mes courses sur la table. Je me relave les mains. J’attends pour les ranger. Le virus est peut être encore là. Le virus est invisible. Le virus peut être en chacun de nous. Le virus est issu de reine mère la Terre et nous ramène à notre condition d’hôtes provisoires.

Encore 10 jours à attendre pour savoir si j’ai contaminé ma famille confinée en voulant qu’ils se nourrissent …

La liberté est dernière la fenêtre. Le soleil me nargue de sa magnificence. La nature reprend ses droits. Je rêve de courir nu en jouant de la cornemuse au milieu d’un champ de pâquerettes. Demain est à construire …